Les relations humaines dans la fabrique

MA FABRIQUE À M'EN FOUTRE

Les relations humaines dans la fabrique

                                    Les relations humaines dans la fabrique

       Les différents Mr. Tisane

Pendant toutes ces années de dur labeur, j’ai croisé un joli échantillon de Mr. Tisane. Chacun avec sa petite particularité, son caractère bien à lui. Au début, il y avait un de mes premiers Mr Tisane, plutôt sympa dans son genre... surtout quand il s’agissait de profiter des avantages du poste. À l’époque, je bossais au rayon carrelage, et il avait besoin d’en poser dans son caveau (ne me demandez pas pourquoi). Quand il choisissait son carrelage, il m’avait fait comprendre, avec un petit clin d'œil subtil, que son choix était miraculeusement en solde. Allez hop, une remise de 50 % ! En bonus, on s’était arrangés pour que je fasse la pose à 65 francs le mètre carré. Comme il avait des « impératifs familiaux » (oui, bien sûr), avec l’accord du chef de secteur, je faisais ça tranquillou pendant mes heures de boulot. Quelques mois plus tard, rebelote, mais cette fois pour ma tisane directe. Petit détail croustillant : ce dernier était de la même famille que mon premier Mr. Tisane. Eh oui, tout ça reste en famille, comme on dit. Quand j’y repense aujourd’hui, ça me fait bien marrer. Le plus drôle, c’est la suite : mon directeur. Ah, ce brave homme... Malheureusement pour lui, il s’est fait virer quelques mois plus tard. Pourquoi ? Il avait eu la brillante idée de partir en vacances avec un vol payé par l’entreprise. Sérieusement, il fallait oser.

Plus tard, il y eut un autre Mr. Tisane qui me convenait parfaitement. Le samedi, il obligeait tous les chefs de secteur à ranger les réserves. Nous, on en rigolait bien, les observant de loin. Ce n’était surtout pas le moment de passer par là, sauf si on voulait se retrouver enrôlé malgré soi. Mais l’ambiance entre nous tous, direction comprise, était plutôt excellente. Il faut dire que les chefs de secteur n’étaient pas souvent partants pour mettre la main à la pâte, et ils devaient trouver ça injuste. Alors, pendant que nous étions en train de vendre, la direction rangeait et balayait les réserves. La clientèle, dans l’ensemble, était agréable à l’époque, et les altercations rares. Octobre et novembre étaient les mois les plus plaisants de l’année. On attendait leur arrivée avec impatience, notamment à cause d’une opération commerciale haute en couleur. Chaque jour, il y avait des animations, des artistes et des animateurs qui donnaient vie au magasin. L’ambiance sur le parking ressemblait à celle d’une fête foraine.

Un jour, pourtant, un client un peu éméché a cherché des ennuis. Il prétendait avoir réservé une marchandise qui, en réalité, n’était plus disponible (il n’avait jamais validé sa commande en caisse). Comme il n’avait pas payé, j’avais vendu les articles dans les jours suivants. Malgré mes explications, il s’est mis à m’insulter devant une foule compacte, un vendredi de promotion avec 15% de réduction sur tout le magasin. Dans un moment d’agacement, je l’ai attrapé par la cravate, prêt à en découdre. Mais soudain, une main ferme s’est posée sur la mienne. Une voix calme m’a dit : « Laisse, je m’en occupe ». Le client a été mis dehors, et l’incident s’est arrêté là. Je n’oublierai jamais la phrase qu’on m’a soufflée ce jour-là, entre deux rayons : « On finit par oublier les gens, sauf ceux qui vous font grandir ». Comme quoi il peut y avoir de bons Mr. Tisane.

Mais ensuite, il y a eu le presque meilleur Mr. Tisane. Je l’ai vu sous toutes ses facettes, pas toujours flatteuses. Il n’était pas foncièrement mauvais, mais parfois franchement lourd, comme beaucoup d’entre nous peuvent l’être. Il avait une certaine tendance à se prendre pour Dieu, négligeant les procédures et les réglementations. Cela lui a valu plusieurs problèmes avec l’administration communale ou préfectorale. Sa désinvolture a fini par coûter cher. Il ne respectait pas les règles de sécurité, ce qui a mené à des situations très risquées. Une fois, il a demandé à un employé de monter dans une benne avec un chariot élévateur pour accrocher quelque chose à 8 mètres de hauteur. L’employé a refusé, et il a été pénalisé pour cela. Pas très juste, d’autant plus que cet employé n’avait aucune confiance en lui-même — et pour cause : il avait déjà embouti la voiture d’un client avec un chariot élévateur. Les réserves, sous sa supervision, étaient redevenues chaotiques. Des palettes mal placées, des passages encombrés, tout le monde pestait. Puis un jour, un grave accident est survenu. Un collègue, en voulant récupérer un coffre à seulement deux mètres de hauteur, est tombé d’un escabeau. Malheureusement, il est tombé entre deux palettes et s’est brisé le coude. Les secours ont mis plus de deux heures à l’extraire. Ce collègue, qui était aussi mon beau-frère, a été en arrêt pendant plus de trois ans avant d’être licencié pour inaptitude. Malgré plusieurs opérations, il est resté handicapé, incapable d’ouvrir son coude correctement. Dans des situations comme celle-là, notre législation montre ses limites. Les responsables de ces négligences auraient dû répondre de leurs actes devant la justice. Mais non. Aujourd’hui, si vous mettez un robinet à 20 euros dans votre poche, vous êtes licencié sur-le-champ. Par contre, si votre négligence coûte bien plus, il semble que vous n’ayez rien à craindre.

Quant à ma première Tisanette, je m’en souviens comme si c’était hier. C’est moi, après tout, qui lui ai fait faire son premier tour de sécurité du magasin. Elle est arrivée comme stagiaire au rayon décoration, et en quelques mois à peine, elle avait gravi les échelons. Chef de secteur dans un autre magasin, puis directrice en revenant chez nous. Elle avait même évincé son parrain d’entreprise pour prendre sa place. Audacieuse, non ? Oh, je peux imaginer qu’elle avait dû beaucoup travailler, et peut-être même durement. Sa situation familiale et son statut social avaient évolué à une vitesse fulgurante. Mais soyons honnêtes, je ne suis pas dupe. J’observe, je déduis, je compare. Chacun est libre d’interpréter, bien sûr. Ce qui est indéniable, c’est qu’elle tenait les rênes comme une main de fer avec un marteau toujours prêt à s’abattre sur l’enclume. Avec ceux qui allaient dans son sens, elle pouvait se montrer agréable, presque charmante. Mais pour les autres ? Elle savait écraser sans pitié, et sans une once de diplomatie. Je l’ai même entendue traiter certains chefs de secteur de « connards » devant les clients. Heureusement pour moi, elle ne s’est jamais risquée à m’attaquer personnellement. De toute manière il n’y avait pas de raison puisque j’étais un super mouton. Il y aurait tant à dire à son sujet, mais franchement, pourquoi lui accorder plus d’importance ? Elle n’a pas sa place dans un livre d’histoire.

Quand elle est partie, je dois admettre que cela a soulagé beaucoup de monde. Mais soyons clairs : sa remplaçante, bien que perchée à sa manière, a hérité d’un magasin à genoux, où la confiance était en ruine. Enfin, un peu d’humanité avait fini par franchir la porte, mais cela n’a pas duré. Elle a démissionné du jour au lendemain. Entre nous, elle ne devait pas convenir à une autre tisane de la région ou d'ailleurs. Finalement les méthodes douteuses existent toujours dans notre région bien aimée. Aujourd’hui, je suis là, observant tout cela avec une distance bien méritée. Chacun est responsable de ses choix. Certains rient, moi, je plains cette femme. Même si elle m’agaçait parfois, je dois reconnaître que, oui, je la regrette. Mais la leçon est claire : on ne peut pas faire confiance à quelqu’un qui se moque de la peine des autres. Vous avez raison, je m'exprime confusément… Entre les repas de famille, mes rêves qui s’emballent et la réalité qui me rattrape, mes idées jouent à cache-cache.

Finalement, ma conclusion est implacable : on ne doit faire confiance à personne, surtout pas à cette grande et hypocrite Boîte à Tisanes. Ils vous sourient, vous passent la pommade, vous souhaitent une bonne année… et à la première occasion…

Le harcèlement

Courant 2024, j’ai signé un accord de principe contre le harcèlement sous toutes ses formes, et pour des règles spécifiées dans le règlement intérieur. En toute objectivité, cet accord a le mérite d'exister comme un support. Cependant, le contenu n’est que le reflet d’une société malade, et je m'en explique. J'ai toujours respecté les femmes et je n'ai jamais eu de comportement déplacé. Ceux qui me connaissent auront peut-être un autre avis. J’apprécie la compagnie des filles et je peux facilement taquiner à ce sujet. Peut-être que parfois je ne devrais pas dire ce que je pense. Cela dit, je n'ai jamais agi dans l'intention d'obtenir une faveur particulière. Je suis plutôt tactile, mais jamais de manière déplacée. Je préfère dire à une fille qu’elle sent bon plutôt que de lui dire qu’elle fait la gueule ou qu'elle pue la clope (schématisant un peu). J’ai toujours respecté les femmes, et après toutes ces années, personne ne pourra me dire le contraire (et si quelqu’un essaie, il fera face à mon sourcil levé). En signant cet accord, je ressens une frustration immense causée par ces hommes irrespectueux qui, en toute honnêteté, passent souvent entre les mailles du filet de la justice. Sérieusement, il serait peut-être temps de ressortir la guillotine….

Je dois avouer que me sentir désigné du doigt m’a permis, pour une fois, de me mettre à la place des femmes et d’imaginer (de loin, très loin) ce qu’elles subissent parfois sous le regard insistant de certains. Et franchement, ça pique un peu. Pourtant, me voilà encore condamné par le laxisme d’une population où l’égoïsme règne en maître. Maintenant que j’ai signé cette charte, je ne peux plus être courtois avec qui que ce soit. Dans cette charte, il y a par exemple une phrase expliquant que tenir la porte pour une dame et la suivre en montant les escaliers n'est pas bien. Personnellement, je ne peux m’empêcher de regarder le postérieur de celui ou celle qui monte les escaliers devant moi, que ce soit un homme ou une femme. Cela ne veut pas dire pour autant que j’ai une idée malsaine en tête. Il est écrit que je ne dois plus faire de blagues sur la sexualité, les différentes ethnies, la politique, etc. Je vous avoue que j'ai un penchant plus féminin que masculin. Et je vous confie également que je suis transgenre (eh oui, vous en apprenez une aujourd’hui). Que faire alors en présence d’hommes ou de femmes ? Je ne sais plus quoi faire. Finalement, je finis par ne plus savoir où j’en suis et ça finit par m’embrouiller. C’est à s’arracher les cheveux.

Dans le règlement intérieur, il est précisé que nous ne devons plus accepter de cadeaux de fournisseurs, comme du chocolat, des bouteilles, des gadgets, ou même des voyages, etc, sans les remettre au comité d’entreprise. Il me semble qu’une marque de tisane régionale avait fait, pour des œuvres de charité, un ou plusieurs dons au club de foot de la ville sur la carte bleue de la société. Son fils y jouait, c’était probablement une simple coïncidence… Dernièrement, il y avait un match et certains membres de la Boîte à Tisanes étaient invités à un événement en VIP de la région. Moi, je devrais donner ma boîte de chocolats au CE, mais la Boîte à Tisanes profite des cadeaux. C’est vraiment un « foutage de gueule ».

Le CSE

Ah, mes deux mandats au CSE… que de souvenirs inoubliables ! Les premières années, je prenais plaisir à organiser des actions sociales : repas conviviaux, sorties en raquettes, balades à vélo, journées pêche… Une époque bénie où l’on pouvait encore croire que le collectif avait un sens. Bien sûr, nous n’étions qu’une poignée à nous retrousser les manches, mais qu’importe : trois ou quatre volontaires suffisaient à donner l’illusion d’un comité dynamique. Puis, insidieusement, l’ambiance a changé. Tout est devenu subitement compliqué. Pourquoi ? Ah, parce qu’il fallait l’approbation de Madame la Trésorière avant d’agir ! Un détail, certes, mais qui a fini par tuer toute initiative. Moi, idéaliste que je suis, j’avais imaginé un calendrier social, bien structuré, avec un budget défini pour chaque mois. Une idée révolutionnaire ! Mais hélas, un échec retentissant. Au fil du temps, un fossé s’est creusé entre ma vision – plutôt ouvrière, soyons honnêtes – et celle de la Trésorière, qui préférait des actions « moins fréquentes, mais tellement plus nobles ». Enfin, nobles… selon ses critères. Moi, je voulais une soupe populaire ; elle, un carré de chocolat d’un artisan haut de gamme. Évidemment, le carré de chocolat a remporté tous les suffrages. Pas pour le chocolat lui-même, non : c’était surtout une question d’exécuter les désirs de la présidente. Que voulez-vous, on ne dit pas non à la patronne quand elle roule en SUV pour acheter une baguette au coin de la rue.

Le point de non-retour est arrivé avec l’affaire du cadeau de Noël du CE. Nous étions trois à être d’accord sur une idée, mais la présidente en avait une autre, bien sûr « meilleure ». Moi, j’ai tenu bon ; les autres ont flanché. Pas de nouvelle réunion, pas de discussions : l’idée de la présidente s’est imposée, comme d’habitude. À ce moment-là, j’ai compris. Ce n’était plus ma guerre. Depuis, le CE s’est lentement éteint. Plus de fêtes de Noël, plus d’actions sociales dignes de ce nom : juste des râleurs qui se plaignent sans jamais lever le petit doigt. Faire du social ? Réunir les gens ? Ah, quelle utopie ! Aujourd’hui, ils sont deux à tenir le comité à bout de bras. Mais pour combien de temps encore ? Il manque du pep’s, de la passion, et surtout… l’envie.

Je dois être une mauvaise langue, mais bon… Une nouvelle Mme Tisane avait timidement amorcé une sorte de tentative de détente, comme un souffle léger dans une atmosphère chargée. Elle apportait un semblant de bien-être en décorant un peu plus selon les fêtes, genre Pâques ou Noël. Une guirlande par-ci, un lapin en chocolat par-là, de quoi rappeler qu’on n’était pas morts, juste en pause prolongée. Elle avait même lancé des idées comme des déjeuners améliorés : raclette ou apéro pour des occasions spéciales. Je ne me souviens plus exactement de quelle grande révolution il s’agissait, mais elle avait demandé des flûtes à champagne plutôt que de simples coupes. Son désir de raviver la convivialité, cette flamme vacillante qu’on prétendait avoir connue, était louable. Le problème ? Après des années passées sous une dictature aussi rigide qu’un code de conduite en maison de retraite, difficile de se rappeler ce que « convivialité » voulait dire. Entre une déco de fête et un toast en l’honneur de la liberté, on hésitait encore sur le ton à adopter.

Aux collègues qui aiment critiquer, je dirais : « Proposez donc quelque chose ! Investissez-vous ! ». Maintenant que la Trésorière n’est plus là, plus d’excuses. On verra bien si vous êtes capables de briller autrement qu’en râlant. Croyez-moi, animer un CE, ce n’est pas de tout repos. Faire plaisir à tout le monde ? Impossible. Avoir des idées ? Pas si simple. Mais surtout, il faut du dévouement, et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. Alors bon courage à ceux qui reprennent le flambeau. Moi, je retourne à ma soupe populaire.

Ah, mes chers collègues… Un véritable vivier de créativité dans l’art de m’agacer ! C’est simple, il y a toujours un truc qui cloche. Et voilà qu’on nous pond une nouvelle règle géniale : les primes sont désormais impactées par les accidents. Traduction ? Moins d’accidents, plus de primes. Magnifique en théorie, mais dans la pratique, ça donne des chefs-d’œuvre de dissimulation. Résultat : certains accidents ne sont plus déclarés. Et comme on est toujours comparés aux autres magasins (coucou la compétition inutile !), on finit dans le collimateur, bien entendu. Quand j’entends que certains magasins n’ont pas eu d’accident depuis deux ans, franchement, ça me fait marrer. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour gratter une prime ? Fermer les yeux sur la réalité ? Vive les pratiques innovantes ! Quel système exemplaire, n’est-ce pas ?


Qui décide quoi ? Qui fait quoi ?

Depuis peu, le poste de comptabilité a été supprimé dans les magasins. Un logiciel informatique a été mis en place, ainsi qu’une plateforme avec quelques employés. Personnellement, je ne suis pas comptable, mais une partie de cette tâche m’a petit à petit été imposée. Or, mon contrat ne mentionne en aucun cas que je dois gérer un poste de comptabilité. Et ce n’est pas seulement moi : le service clients se charge maintenant des divers problèmes liés à leur activité et notre banquier prend le reste en charge. C’est une façon de faire ancestrale et personne ne dit rien. Et pourtant, bon nombre pensent comme moi. Petit à petit, nous acquérons plus de compétences, dans des métiers différents, mais elles ne sont pas reconnues. Maintenant, je me reporte au public et, comme eux, je finis par ne plus rien faire, ou juste ce à quoi je suis réellement payé.

Mon salaire n’a pas évolué, pourtant 150 emplois ont été supprimés dans les divers fabriques. J’en conclu que cela n'a pas été fait en ma faveur, celle du service client ou celle du banquier; c'est plutôt au profit de l'élite de la Boîte à Tisanes. Une fois de plus, je me sens lésé, du moins c’est ainsi que je le ressens. Voilà encore une raison qui me pousse à en avoir marre du monde du travail. Nous avons toujours plus de responsabilités, sans contrepartie.

Dans certains faits divers journalistiques, on reste un peu perplexe. Suite à la guerre en Ukraine, la fabrique avait tiré un trait sur ses fabriques en.... j'ai oublié la planète. Et puis, récemment, on a entendu tout le contraire. Les fabriques de je ne sais plus ou ont tout simplement changé de nom, et comme par magie, ils continuent d'opérer sous l’ombre bienveillante de ma fabrique. Pas de panique, ils n’ont pas disparu, ils ont juste été... « manipulé » ! Voilà une action que je comprends, moi non plus je n’en ferais pas cadeau.

Récemment, il y a eu un changement important au sein de la boîte à tisanes. Par déduction, j’en suis arrivé à cette image : une patronne, sans lien de parenté évident dans l'ADN, qui se retrouve à ce poste. Une femme, avec peu d'expérience, qui est là pour faire... un certain travail. Je suis même prêt à parier qu’on cache derrière tout ça un poste de technicienne de surface. Qui sait, peut-être qu'on va bientôt vendre des balais et des serpillières sous l’étiquette ‘travail féminin’ ! Je me dis que ça ne va pas forcément améliorer l’image des femmes au travail. Au lieu de les voir en haut de l’échelle, on pourrait bientôt leur attribuer le nettoyage des bureaux. et payer pour les hommes. Je me demande si ça n'a pas déjà commencé. Mince, je m'embrouille encore.

Dernière anecdote en date : un matin, à 7h15 (oui, oui, à l’aube), un chauffeur a besoin d’aide pour charger une palette sur son camion. Je demande gentiment à un collègue présent. Sa réponse ? « Ce n’est pas mon boulot, et en plus, je n’ai pas le temps ». Très bien, je laisse tomber, et je continue mon tour. Une demi-heure plus tard, je tombe sur ce même collègue, avachi sur son comptoir, probablement en pleine méditation sur l’injustice de l’univers. Pas un client à l’horizon, aucune préparation en cours. Je lui dis, avec une pointe d’ironie : « Eh ben, dis donc ! T’aurais pu charger cette palette, non ? ». Sa réponse : « C’est vrai, j’aurais pu ! ». Ah, quel éclair de lucidité ! Franchement, même mal payé, ce gars est encore trop payé. Un bon coup de pied au derrière et direction les champs de patates ou le champ de riz en Camargue, histoire qu’il comprenne ce qu’est le vrai travail. Mais soyons honnêtes : qui est vraiment responsable ? Ce collègue qui a décidé de vivre sa meilleure vie en mode larve professionnelle ? Ou la boîte, avec son recrutement foireux, son absence de motivation pour les employés, et ses salaires qui donnent envie de pleurer ? Comment voulez-vous motiver qui que ce soit dans ces conditions ? Moi, je le vois, mais son chef, lui, que fait-il ? Mystère.

Mi-janvier, une coupure d’eau, gérée par la ville, était prévue entre 8 heures et midi. Ce mercredi-là, je finissais à midi, mais l’eau n’avait toujours pas été rétablie à mon départ. À 13 heures, mon téléphone professionnel a sonné. Par respect, j’ai répondu. Un collègue m’a expliqué que l’eau était revenue, mais que les toilettes ne fonctionnaient toujours pas. Ne sachant pas quoi faire, il me demandait conseil pour résoudre la situation. Je lui ai indiqué qu’il devait se rendre dans le local où se trouve le système de distribution d’eau des chasses de toilettes. Je lui ai précisé que ce local se situe à l’arrière des toilettes pour hommes handicapés. S’ensuivit une nouvelle question : « Et après ? ». Sur un ton direct, je lui ai répondu que s’il venait de temps en temps aux sessions de formation organisées le vendredi matin à 10h30, où nous discutons justement de ce type de problèmes, il saurait comment agir. Il ne m’a pas raccroché au nez, mais il ne m’a pas non plus laissé le temps de lui expliquer la procédure à suivre. Voilà le genre de situations auxquelles je suis régulièrement confronté.

Mais comment devrais-je réagir ?

Récemment, lors d’une intégration, j’ai constaté qu’il existait deux versions contradictoires concernant les autorisations de conduite dans notre magasin. Pour ma part, je me contente de rappeler le texte de loi, qui stipule que toute personne utilisant un chariot doit être en possession d’une autorisation de conduite propre à notre fabrique. Cette autorisation n’est valable ni dans une autre fabrique ni dans une autre enseigne. En cas de litige, elle permet de prouver devant un juge que la personne était bien autorisée à conduire ce type d’équipement. Cependant, certains semblent adopter une approche bien plus laxiste : « Ne t’inquiète pas, l’autorisation est dans mon bureau, et si tu en as besoin, je te la donnerai ». Une attitude que je considère comme un véritable manque de sérieux.

Jusqu’à récemment, l’autorisation était effectivement remise, mais pas systématiquement. Les caristes qui insistaient finissaient tout de même par l’obtenir. Il est vrai que notre magasin est situé dans une zone où les règles semblent parfois s’appliquer différemment, un peu comme si nous étions en principauté de Monaco. Pour compliquer les choses, une Tisane du bureau m’a affirmé : « C’est comme ça que ça fonctionne dans ce magasin ». Historiquement, et étant donné mon parcours, posez-vous la question : si le commissaire de police pour mon affaire d’accident avait voulu me sanctionner pour avoir conduit un chariot sans autorisation, où cela m’aurait-il conduit ? (Entre nous le chariot on s'en fout, ça aurait été un prétexte déguisé) Et si vous souhaitez savoir comment un bon chef peut devenir un mauvais chef, je serais ravi de vous expliquer cela en détail. Qu’en est-t-il pour le reste de nos droits et devoirs, c’est à la carte chez nous ?

Lors d’une intégration, j’ai constaté que nous ne donnions plus aux intérimaires la licence permettant d’obtenir le café à un tarif réduit. Intrigué, j’ai posé la question à une collègue, qui m’a répondu que la licence coûte cher et que, comme nous ne la récupérons pas à la fin de leur mission, nous finissons par la perdre. Surpris, j’ai demandé depuis quand cette décision était en place. La réponse fut : « C’était la trésorière du CE qui l’avait décidé ». Cela m’a laissé perplexe. Cette personne avait quitté ses fonctions, mais son autorité semblait encore influencer nos pratiques. Il était temps de remettre de l’ordre dans tout cela. Certes, il s’agit de petites choses, qui, en elles-mêmes, ne sont pas bien méchantes, mais elles suffisent à alimenter des critiques envers la société, alors que celle-ci n’est absolument pas responsable de ces décisions. Il serait peut-être temps de remettre les pendules à l’heure et de faire respecter les règles élémentaires, aussi bien celles de notre fabrique que celles de la vie en société. Ce n’est pas l’avis ou la décision d’une seule personne qui devrait nous amener à aller à l’encontre des lois et du bon sens. Si le monde va de plus en plus mal, voilà un bon exemple de ce qui reflète un manque de respect collectif. Mais plus sérieusement, c'est quoi le cout d'une licence...Pffffffff.

L’Open Space

Il est bien connu depuis longtemps qu'un Open Space, dans un environnement comme le nôtre, avec beaucoup de personnes, est plus susceptible de générer du stress et de l'énervement chez les collaborateurs travailleurs. Cette façon de travailler doit certainement provenir d’un modèle intellectuel où une personne travaille seule dans un bureau, frustrée de ne pas pouvoir interagir avec ses collègues hors de son espace. C’était une manière de faire à la chinoise puis à l’américaine, mais on a rapidement constaté que cela engendrait des problèmes, notamment sur le côté « zen » du bureau. Il est aussi vrai qu'entendre de temps en temps les commentaires du week-end des uns et des autres peut être distrayant. Personnellement, je suis dur de la feuille, certainement à cause d'un « paluchage » excessif de mon anatomie. Cela dit, j’entends bien quand une personne parle près de moi, mais dès que plusieurs bruits de fond se mêlent à la discussion, mon cerveau a du mal à distinguer certaines fréquences. Et par-dessus le marché, je dois parfois avoir une discussion au téléphone devant mon écran avec des documents, ce qui est assez lourd. Il faut reconnaître que cela fait beaucoup. J'ai travaillé dans le bruit toute ma vie, dans l’ancienne fabrique il y avait une sono qui chantait toute la journée. À cela s'ajoutaient toutes sortes de bruits de fond : chariots, montage de racks, meuleuse qui coupe du métal, enfants qui pleurent, etc. Aujourd’hui, comment faire pour ne pas déranger les collègues ? Eh bien, j'ai deux solutions : soit je fais du télétravail, soit on me donne un bureau seul, au calme. Pourquoi pas le bureau à côté des toilettes, celui qu’on appelle le placard ? Ben oui c’est tout de même à la Boîte à Tisanes de trouver des solutions pour notre bien-être, non ? Comme pour ceux qui ont des problèmes aux yeux à cause de l'éclairage, ou ceux qui souffrent des courants d’air à cause des ouvertures de porte et j’en passe. Mais revenons à l'open space de la fabrique et à la question : est-ce que quelqu’un a réfléchi aux études disponibles pour tous sur le sujet ? Mais faut-il encore vouloir les consulter. Depuis longtemps, les Chinois et les Américains sont revenus en arrière sur ce sujet, et les bureaux individuels sont à nouveau présents dans les locaux. Je ne parle pas d’une start-up avec cinq personnes, mais bien des bureaux pour trente personnes et plus. Quelles seraient les retombées économiques si nous revenions aux bureaux individuels, ou limités à deux ou trois personnes par bureau ? Je pense qu’il y aurait moins de stress, moins de raisons de s’arrêter et donc plus de compétitivité et plus de présence, en trois mots : « plus de rentabilité ». C'est également pour cette raison que j’ai plus ou moins téléporté mon bureau au bâti car il y fait un tantinet plus calme. Merci monsieur Spock.

L’entreprise et l’argent

Maintenant que l’exposition sociale, le métier et l’organisation sont plus ou moins posés, parlons argent. L’argent est le nerf de la guerre et, quoi qu’on fasse, il finit toujours par être responsable des divergences. Depuis longtemps, j’essaie d’avoir un binôme avec moi pour réellement m’occuper de l’entretien et de la maintenance de notre fabrique. Je ne parle pas de faire des entretiens sur des points sensibles comme le SSI ou le local électrique, mais bien de ce qui nous coûte très cher. Je vous donne quelques exemples :

  • L’entretien des espaces verts, sans taille des arbres, nous coûte 12 000 euros par an. Nous pourrions le faire nous-même, trop facile.

  • Le tableau électrique qui recharge les fenwicks de la loge, c’est moi qui l’ai posé, alors que cela n’est pas mon travail, pour moins de 3 000 euros. L'entreprise SPIE m'en demander 8000 euros, merci dides.

  • Nous avons besoin d’une nouvelle ligne électrique pour le chauffage du bâti. Le travail est à peu près identique à celui que j’avais réalisé pour les chariots de la logistique. Cela va nous coûter au minimum 10 000 euros. Nous pourrions économiser 5 000 euros si nous posions le câble nous-mêmes. Pas besoin d’être électricien pour faire ce genre de travail.

  • J’ai refait les locaux sociaux, bureau et salle info du bâti. Cela nous aurait coûté au minimum 7 000 euros. Il est vrai que je n'aurais pas dû le faire. Merci Dides

  • Des grilles de protection pour le déchargement des camions aurais du nous couter 1 200 euros, alors que j’aurais pu le faire moi-même pour 600. Finalement, je les ai roulés dans la farine et ils me les ont faites gratos. Elles ne sont pas neuves, mais elles font le taf.

  • J’ai réparé un filtre sur l’aspiration de la découpe de bois en décembre, cela nous a fait économiser 1 000 euros au magasin, alors que ce n’est pas mon travail. Merci Dides

Je pourrais encore et encore vous montrer que mon poste mériterait une deuxième personne. Le poste créé pourrait vous épauler énormément. Vous continuez à bricoler au lieu de vous concentrer sur ce pour quoi vous êtes embauché : « faire du business ». Vous cherchez à grappiller des centimes, alors que vous avez sous les yeux de quoi faire beaucoup mieux. Je n’ai pas un caractère à dormir, sauf si on m’y oblige. Maintenant, je suis arrivé à un point de non-retour, et voilà comment vous avez fabriqué non pas un gag, mais une situation où beaucoup s’en foutent. On peut distinguer deux formes de démission : la première consiste en un départ physique, la seconde a une démission silencieuse. Je pourrais encore développer mais si vous n'avez toujours pas compris, je ne peux plus rien pour vous.


Prochainement épisode 9

Accidents et sécurité