Le début du ras-le-bol

MA FABRIQUE À M'EN FOUTRE

Le début du ras-le-bol

Au printemps 2021, survient un ras-le-bol chez moi, sans vraiment comprendre les raisons de mon manque d'énergie, de motivation et surtout de bonne humeur. Impossible de prendre du recul sur mon travail : il n’y avait plus de recul, je me sentais coincé entre un mur et... un autre mur. Alors, avec mon clavier et un soupçon de courage (ou de désespoir, à vous de juger), j’ai décidé d’écrire un courrier à ma hiérarchie. Dans cette lettre, j’ai exprimé mes difficultés quotidiennes – en restant poli, bien sûr. J’ai brièvement envisagé de commencer par un « SOS, je vais craquer ! » mais ça ne me semblait pas très professionnel. Alors, j’ai vidé mon sac, en espérant qu’ils prendraient le temps de tout lire. Pas sûr que ce soit le cas, mais au moins, c’était dit.


Bonjour Tisane, bonjour Tisane,

Suite à mon dernier entretien avec Mr. Tisane concernant mes tâches quotidiennes, je vous informe de manière plus officielle que je n’arrive plus à réaliser ce qui m’est demandé. L’entretien des locaux, le suivi des entreprises, ainsi que les règles élémentaires de sécurité. A cela s'ajoutent les différents travaux des rayons. Le tout dans une organisation souvent incohérente.

Suite à cette frustration de travail inachevé, j’arrive à saturation physique mais également morale. Je n’arrive plus à prendre suffisamment de recul et mon jugement s’en ressent de plus en plus. Je souhaite retrouver la satisfaction d’un travail bien fait pour mon bien-être mais aussi pour la sécurité de l’entreprise qui m’embauche depuis plus de 30 ans.


Il est vrai que la situation du COVID nous a tous chamboulés. Du jour au lendemain, tout avait changé. Les procédures sanitaires n’étaient pas claires, et dès qu’il fallait faire quelque chose, c'était Didess et « la collègue du balisage » à qui on demandait. Il y a eu tellement de petites choses à revoir que j'ai fini par oublier cette période, mais je me souviens que durant les semaines où la planète s'est arrêtée, je continuais à travailler avec la tisane du matériau, pour y changer les caillebotis des racks. Je reconnais que c’était le moment idéal, car il n’y avait pas de clients. Petit à petit, certains sont revenus travailler, car la vente à distance était lancée. Il me semble que j'ai recommencé à travailler la semaine après l’arrêt total. Alors oui, je suis frustré, car pour une fois, j’aurais pu rester à la maison tranquillement comme les autres, payé bien sûr. Mais la frustration est encore plus grande, car à la reprise générale, je devais des heures. Ben oui, les journées de travail avaient avoisiné régulièrement les 5 heures, et du coup, je me suis retrouvé avec un déficit de plus de 30/40 heures. Bien sûr, j’ai dû les rattraper par la suite. On me demandait de faire certaines choses, et hop, fissa fissa ! Mais je n’étais pas le seul à avoir des heures en moins. Bon, ok, la société a donné une prime de 700 euros aux collaborateurs présents régulièrement et 500 euros aux autres, à l’exception de ceux qui n’étaient pas là du tout. Je ne vous parle même pas de la pression où il fallait aller vite, notre Tisane était là pour veiller aux grains, et une fois de plus, personne ne lui résistait. Entre eux, il n'y avait que de l'hypocrisie.

Maintenant, quand j’y repense, les souvenirs remontent. Les protections des points conseils à mettre en place, et qui changeaient régulièrement, car certains avaient besoin de plus de place, et d’autres ne supportaient pas d’avoir un écran devant eux, le balisage parking, les barrières, etc. Tout le monde était « tendu comme un string », et forcément, c’étaient toujours les deux mêmes qui s’y collaient. Il n’y avait pas un jour sans qu’un truc ne change. Et bien entendu, l'entretien de ma fabrique à m'en foutre ne se faisait pas tout seul. Dans cette histoire, il y avait toujours les mêmes planqués, qui le sont encore et qui blablatent toujours et encore. Ah oui, j'oubliais… en prime, la tendinite que j’ai encore aujourd’hui, eh bien comme un âne, je ne l'ai pas déclarée. Mais j’apprends de mes erreurs.

Les ennuis de santé

Dans tout ça, ce qui ne devait pas arriver... a finalement débarqué, et pas en douce ! On dirait que ma sirène d'alarme n’a pas sonné. Me voilà donc dans une situation que j’aurais pu critiquer avant, car je ne l’aurais pas comprise. Cette forme de saturation m’a permis de remettre en cause mon fonctionnement professionnel. En restant simple, deux mois d’arrêt et une intervention chirurgicale (ablation du faisceau cardiaque), car mon cœur battait sans cesse à plus de 140 malgré les médicaments. Avec le repos et du recul, je reconnais avoir une petite part de responsabilité, mais la société en a une bien plus grande. La Boîte à Tisanes voyait bien que ça n'allait pas. Je leur avais envoyé un mail leur expliquant que j’étais à bout de souffle et que j'avais eu mon EDP quelques semaines avant. De plus, mon comportement plutôt jovial s'était effacé en laissant apparaître un homme grincheux et excessif.

Le matin avant mon arrêt de travail, j’avais réalisé une évacuation incendie obligatoire (une commission de sécurité était programmée et il fallait être à jour dans tous les contrôles). Ce matin-là, le permanent était certainement aussi fatigué et stressé que moi. Au lieu de prendre les choses comme il aurait dû le faire, il s’est mis en colère et s’est défoulé à coup de pieds sur une palette. En moins de 2 secondes, je me suis dit que faire encore 8 ans de cette manière en attendant la retraite était impossible pour moi. J’ai pris la décision de partir me reposer et de faire le point, les larmes aux yeux. De toute manière, si je n'étais pas allé chez le toubib à ce moment-là, j’aurais fait un malaise cardiaque dans ma fabrique à m'en foutre et je n'ose pas imaginer la gravité du malaise.

Finalement, la Boîte à Tisanes a pris conscience de la lourdeur de mes tâches quotidiennes. Je n’ai pas été remplacé et ce sont eux qui ont dû faire mon travail. Ils ont demandé de l’aide à mes homologues de la région. J’avais mis au courant mon médecin du travail au cas où les choses ne s’arrangeaient pas. Depuis mon retour, certaines choses ont changé. Je reprends le contrôle de mon quotidien. Je ne fais que mon travail et refuse de faire ce qui n’est pas dans ma mission. Je pense qu’ils ont été tellement embêtés, que maintenant on me demande si tout va bien à tout moment, et ce n’est pas de l’ironie. Je peux à nouveau envisager un travail avec passion. Sans cette prise de conscience de leur part, il aurait été impossible de reprendre comme avant et j’aurais poussé Mme Tisane à mon licenciement. Malheureusement le passé ne s'efface pas aussi facilement, et petit à petit les frustrations des années passées remontent à la surface.

2022

En janvier 2022, les différences d'opinion deviennent de plus en plus marquées et diffuses. A nouveau, je ne suis plus satisfait de mon quotidien. Je rejette un règlement que je trouve de moins en moins cohérent face aux complexités du monde et à notre réalité quotidienne. Mes désaccords concernent le fonctionnement, mais il y a aussi l'interprétation de la réglementation par chacun d’entre nous. Comme moi, cette interprétation dépend des convictions, d'un certain désengagement ou d'intérêts personnels. Je vais tenter de vous faire ressentir ce qui est enfoui en moi.

Le « brief » du samedi matin est un moment clé dans le fonctionnement de l’entreprise, servant de source de motivation pour les employés. On y aborde l’organisation de la mise en rayon des produits, les objectifs financiers, ainsi que diverses informations de la vie quotidienne. Ce matin-là, Mme Tisane a souligné que les résultats de la société n’étaient pas satisfaisants et que les grèves syndicales dans certaine fabrique à m'en foutre et entrepôts n’étaient pas justifiées. Selon elle, l’augmentation de 20 euros par employé représentait déjà un geste appréciable, surtout dans le contexte marqué par l’inflation, les tensions politiques mondiales et le conflit en Ukraine. La guerre en Ukraine plaçait la société dans une situation délicate, en raison de la présence de fabrique à m'en foutre en Russie, qu'il serait difficile de conserver... Mme Tisane a ajouté que nous devrions être reconnaissants du fait que la société n’entame pas de licenciements. Il fallait oser faire une telle remarque ! Au même moment, les syndicats, eux, révélaient leur mécontentement en divulguant que la société avait alloué 300 millions d’euros aux directeurs du groupe. Mr. Tisane, un des fonctionnaires de la maison mère, interviewé par une chaîne locale, expliquait que la situation actuelle ne permettait pas d'offrir plus qu'une augmentation de 20 euros. Finalement, une hausse générale de 65 euros supplémentaires a été accordée, à la suite des grèves initiées dans les entrepôts et certaine fabrique à m'en foutre. Ce discours et ce comportement soulèvent de nombreuses questions. Nous critiquons souvent nos partenaires syndicales mais ce sont bien eux qui nous ont permis d’obtenir ce coup de pouce.

A ce moment-là, je me rends compte que je ne suis qu'un numéro, et mon niveau de satisfaction en prend un coup. Je finis par me limiter à mes tâches, sans en faire davantage. Je rends parfois service, mais je choisis quand et pour qui. Je ne suis plus l’homme à tout faire ; je remplis pleinement mon rôle de chargé d'entretien et de sécurité. Mon job n’est donc pas de déboucher les toilettes, mais de veiller à ce que ce travail soit effectué par la personne compétente. Mais… je sens bien le plomb dans mon flanc droit. J’ai forcément mes préférences dans la Boîte à Tisane et il est très difficile de dire non à chaque fois : dans le fond je les aime bien mes collègues, ce ne sont non plus de mauvais bougres, enfin pour certains...

Tout au long de ma carrière, j’ai été un employé docile, volontaire et travailleur. J’ai enchaîné les tâches sans poser de questions, respectant une hiérarchie pas toujours à la hauteur. Mais je me suis toujours retenu de me rebeller : mon éducation m’a appris à faire preuve de discipline. J’étais le « bon petit soldat », comme le chantait Jacques Brel dans « Tous derrière »… et Mr. ou Mme TISANE devant ! – une ironie qui résume bien mon rôle de déboucheur de toilettes à bas prix. Mais au final, je ne peux pas oublier le passé, je leur en veux de plus en plus. Il y a des sentiments qui finissent par ne plus s’effacer.

2023

Pour ma part, cette année-là il a été temps pour moi de rassembler toutes ces parenthèses que je pensais fermées, chacune représentant une frustration que je croyais oubliée. Pour exprimer mon ras-le-bol, j’ai adressé un courrier à ma nouvelle directrice.


Bonjour Tisane et Tisane,


Je vous écris pour vous faire part d’un problème dans le cadre de ma mission

J’occupe la mission de chargé d’entretien et de sécurité au sein de ma fabrique à m'en foutre depuis plus de 15 ans. Avec les évolutions des réglementations en terme d’entretien et de sécurité, mes responsabilités ne ressemblent en rien à celles qu’elles étaient au moment de ma nomination

De plus, en 2017 nous avons déménagé dans des locaux un tiers plus grands qu’avant, et je suis resté seul pour réaliser ma mission. Cependant, avec cette surface supplémentaire, il y a à la fois plus d’entretien à réaliser par moi-même et à coordonner avec les différentes entreprises intervenantes, et plus de contrôles de sécurité qui découlent de cette maintenance, avec la charge administrative que cela engendre. A cela s’ajoute l’organisation de la sécurité des employés (tours sécurité, formations diverses) qui a augmenté considérablement ces dernières années avec l’augmentation des effectifs et la culture de la sécurité développée dans ma fabrique à m'en foutre.

C’est pour ces raisons que je demande une aide depuis plus de trois ans. Or, à ce jour je suis toujours seul à un poste qui demanderait 2 personnes. Il y a deux ans, en mars 2021, j’ai exprimé mon surmenage, qui malheureusement n'avait pas été pris au sérieux (ci-joint, la copie du mail de l’époque). Peu de temps après, le mardi 6 avril, un incident avec le permanent survenu lors d’une évacuation programmée avec le banquier a déclenché un malaise cardiaque, qui s’est soldé par une hospitalisation. Je précise que l’incident n’est pas lié avec l’exercice en lui-même, mais au comportement d’un responsable que je n'incrimine pas du tout. Le permanent de ce jour-là était certainement dans un état de surmenage intense identique au mien. Cette hospitalisation, consécutive à un surmenage, s’est suivie d’un arrêt de travail de 6 semaines. A l'époque, je ne savais pas que mon état de santé relevait d’un accident du travail, et malgré le fait que mon malaise ait eu lieu sur mon lieu de travail, pendant un épisode de stress intense, je ne l’ai pas déclaré en tant qu’accident du travail. Ma hiérarchie ne l’a pas fait non plus.

J’attire votre attention sur la réalité d’aujourd’hui. Malgré quelques ajustements relatifs aux travaux que je réalisais dans la fabrique à m'en foutre en plus de ma mission (aide à l’entretien et aux modifications des rayons…), je vous confirme que la charge de travail est toujours trop importante.

Je constate que cela commence à se traduire par des incidents relatifs à la sécurité. Je prends pour exemple l’incident du portail qui est tombé devant un conseiller de vente il y a quelques semaines lorsque la charnière a cassé. Nous ne sommes pas passés loin d’un accident grave. De ce fait, je ne peux que m’interroger sur ma responsabilité et celle de la société. Cet exemple est le plus récent, mais il y en a eu d’autres, heureusement à chaque fois sans conséquences pour les personnes.

Dans l'intérêt de tous, nous devons prendre une décision importante à propos de ma mission. Le danger est partout, pour nous, nos clients et la société. Etant donné les incidents récents, je me permets donc de ré-exprimer ma demande d’une personne complémentaire sur le poste qui est le mien (chargé entretien et sécurité), et de l’intégrer au plus vite.


Aujourd’hui en 2025, mon responsable est quelqu’un de plutôt sympa et agréable. La Tisane numéro 1 me paraît aussi plutôt bien. Pourtant, il y a un cap que je n’arrive pas à franchir. Dire que ça ne va pas serait exagéré, mais affirmer que tout va bien ne serait pas tout à fait vrai non plus. Après toutes ces années, je suis aussi conscient que c’est le salaire qui blesse. Ne pas être payé à la juste valeur est frustrant. Je finis par vraiment m’en foutre de tout, car de toute manière je ne gagnerai pas plus. Le travail, l'expérience et le bon vouloir ne paient plus. Difficile d’avoir à la fois un bon bricoleur, un bon vendeur, un bon niveau d’études, bref un bon partout… et pour un SMIC. Je pense que 40% des employés ne travailleraient pas sans les grandes entreprises. Non par manque de boulot, mais juste parce que ce sont des suiveurs. Ils ne créent pas de richesse, maintiennent en quelque sorte le bateau à flot. Je pense également que 30% sont mauvais et sont à la charge des 70% restants. Dans le 100% collaborateur, il y a aussi des bons, qui produisent de véritables richesses, mais trop peu nombreux. Malheureusement, il y en a de moins en moins. Une chance pour certains que l’entreprise ne licencie pas.

Les absences

Les absences pour longue maladie ne sont que très rarement remplacées, la charge de travail est naturellement sur le dos des autres. Certes, rien de plus normal que d’aider, mais alors de manière occasionnelle. Quand il y avait un manque de personnel à la découpe bois, je me faisais demander, avec les formes. Mais par la suite, il était devenu normal que je rende un coup de main sous prétexte que j’étais le seul à savoir. Voilà une raison de plus qui a fini par m’user.

Petite parenthèse sur la découpe de bois. Dans l’ancienne fabrique , il était rare que la découpe soit fermée. Jusqu’en 2018, date d’ouverture de la nouvelle fabrique à m'en foutre, tout le personnel de la menuiserie était habilité à la découpe. Depuis l’ouverture de la nouvelle fabrique à m'en foutre, elle est souvent fermée. Ce n’est pas toujours pour des raisons d’entretien, mais également à cause de problèmes de personnel, d’absentéisme, et d’une gestion qui mériterait réflexion. Nous en sommes arrivés à un point où un panneau de fermeture exceptionnelle est déjà imprimé et placé non loin de l’entrée, expliquant la fermeture pour des raisons d’entretien. Bien évidemment, il n’est jamais mentionné que cela est dû à l’absentéisme des employés. Maintenant, mettez-vous à la place d’un client qui parcourt 30 km pour venir dans notre fabrique à m'en foutre effectuer une coupe de bois. Eh bien, il serait légitime qu’il soit énervé, surtout si cela arrive régulièrement. Ce problème est devenu un véritable enjeu qui semble s’être intégré dans notre fonctionnement. Fin de la parenthèse.

Il y a aussi les abus sur les arrêts de travail, ce sont toujours les mêmes. Pour un oui ou pour un non, ils se mettent en arrêt, et pour certains plusieurs mois. J’aimerais bien avoir un médecin comme le leur. Forcément que les collègues finissent par leur en vouloir, car la charge de travail leur incombe et il y a forcément des changements d’horaire pour les présents afin de couvrir la plage horaire. Il est naturel qu’à un moment, les reproches tombent. Nous savons également que prendre un remplacement n’est pas évident. Il y a toujours un temps de formation métier qui est plus ou moins important selon la personne.

A un moment, après chaque arrêt maladie nous étions convoqués pour discuter des raisons de l’arrêt mais aussi pour exprimer notre ressenti à dire comment on se sentait au travail. Par ma part, je n’hésitais jamais à parler de nos difficultés, du trop-plein, du manque de personnel et de l’organisation parfois incohérente. Je ne me fais pas d’illusions : nos supérieurs faisaient semblant de nous écouter et étaient de toute façon formés à nous servir les mêmes réponses : « Oui, mais... ». Malgré un système de primes assez généreux (enfin pour certains), cela restait pesant quotidiennement. Je sais que cela suffit pour « bouffer » quelqu’un de l’intérieur et « foutre en l’air » une famille. Croyez- moi sur parole, il y en a eu beaucoup.

Il y a bien longtemps, au début de chaque saison, nous avions des remplaçants pour les vacances et l’augmentation de l’activité. Chaque rayon avait son étudiant pour la saison, de mai à septembre. Puis, une idée a émergé dans notre boîte à idées : « Si on sollicite un peu plus les collègues et qu’on réduit le nombre de contrats d’été, on pourra améliorer notre dernière ligne de compte d’exploitation ». Au départ, l’idée ne semblait pas si mauvaise. Cela devait être une mesure temporaire, et les équipes étaient supposées pouvoir faire cet effort supplémentaire. Mais ce qui devait être une exception est devenu la norme. Aujourd’hui, il est devenu courant que chacun d’entre nous remplace ceux qui partent en vacances ou qui sont malades.

Les autres fabrique à m'en foutre, voyant leurs performances diminuer par rapport à cette nouvelle organisation, ont commencé à adopter la même méthode. C’est ainsi qu’un déséquilibre s’est créé. Aujourd’hui, cette pratique est généralisée, et les équipes de la fabrique à m'en foutre finissent par se fatiguer et exprimer leur mécontentement, malheureusement de façon non ouverte. Elles ne comprennent pas pourquoi elles travaillent davantage sans voir de rémunération supplémentaire. Mais c’est là que le problème se pose : ce modèle n’est pas viable, et les employés finissent par être démoralisés. Résultats : baisse de la productivité, diminution du chiffre d’affaires et, inévitablement, primes réduites. Voilà la meilleure méthode pour créer un collaborateur démotivé, qui finit par se dire : « Je m’en fiche ». Le chiffre d’affaires baisse, certes, mais pas pour tout le monde. Les hautes sphères continuent à « cueillir leurs fleurs » dans leur jardin un jour de semaine, tandis que l’employé, lorsqu’il voit cela dans un reportage télé, commence à se poser des questions. Il se dit : « Mais pourquoi je fais toujours plus pour eux ? ». Aujourd’hui que cette procédure est bien installée, une nouvelle idée a germé. Pour réduire les accidents et les maladies, nous allons revoir le calcul de la prime trimestrielle. En soit c’est une bonne idée. Désormais, le calcul de la prime tiendra compte des accidents et des embauches de remplacement. Super… Résultat : depuis, je n’ai plus de prime, et ceux qui sont en haut continuent à cueillir encore plus de fleurs.


Prochainement épisode 6

Les petits riens qui vous gâchent la vie

Le début du ras-le-bol