Suite d'un territorialisme utopique, la vie active
J'AI RÊVÉ D'UN NOUVEAU MONDE


Un territoire utopique, la vie active
Suite de l’utopie, la vie active
À quelques kilomètres seulement du village paisible où la vie bat au rythme du soleil, s’élève une autre ville, étonnamment différente mais profondément reliée. Elle ne vibre pas au son des cloches ou des sirènes d’usine. Elle s’active en silence, avec précision. C’est la cité du travail — non pas celle de l’exploitation ni du rendement aveugle, mais celle du sens, de la recherche, de la création utile. Là, des architectures audacieuses mêlent verre, métal végétalisé et matériaux recyclables. Les gens y circulent non pour « aller bosser » mais pour participer à l'évolution de leur nouveau monde. Chaque personne, qu’elle soit ingénieure, biologiste, technicienne, ou philosophe intégrée dans les comités de sens, choisit ses engagements en fonction de ses compétences, de ses convictions, de son énergie. Tous n’ont qu’un but, le collectif. Chacun sont conscients de l’importance de son travail car derrière il y a la famille, femme enfant ou parents. Le travail est rendu noble, collectif, exigeant. On y développe des thérapies contre des maladies rares, des systèmes de défense, des énergies non polluantes de la surveillance de la faune et de la flore. On y conçoit de nouvelles manières de se relier au vivant. On y pense le futur avec responsabilité. Au contraire des lieux de vie passivent, la technologie est présente dans la vie active, elle est utilisé en bonne intelligence. Les ressources ne sont pas rare mais limité.
Il n’y a pas de salaire. La reconnaissance n’est pas chiffrée. Chacun reçoit ce dont il a besoin pour vivre, apprendre, transmettre, se reposer. Le poste occupé ne confère aucun droit particulier en dehors de la mission elle-même. Il n’y a ni statut, ni hiérarchie sociale durable. Le chercheur, la soignante, le cueilleur, le réparateur ou l’enseignante ne valent ni plus ni moins les uns que les autres. Ils remplissent des fonctions différentes à des moments différents. Il en aurait impossible avant l’effondrement car la populations en été pas du tout capable. Ils étaient figé sur un fonctionnement de riche et du fort. Avant l'effondrement, la pollution était très inégalement répartie selon les niveaux de richesse. Les 10 % les plus riches de la planète ont été responsables de près de 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À l’inverse, les 50 % les plus pauvres n’en émettent qu’environ 10 %. Cette disproportion s’explique par un mode de vie très consommateur : avions fréquents, grosses voitures, logements multiples, objets de luxe. Les plus pauvres, eux, vivaient avec moins, consommaient industriellement et utilisaient peu d’énergie. Pourtant, ce sont eux qui subissaient le plus les conséquences de la pollution : maladies, sécheresses, inondations. Selon Oxfam a cette époque la, un milliardaire émet en moyenne 1 million de fois plus de CO₂ qu’une personne ordinaire. .
Les travaux pénibles, salissants ou physiquement risqués sont confiés aux plus jeunes — entre 16 et 40 ans — mais toujours pour des périodes limitée dans le temps. Non pour les exploiter, mais pour que chacun passe par cette réalité : manier les déchets, nettoyer les zones sensibles, entretenir les équipements lourds, désherber à la main, plonger dans les circuits d’assainissement, aider aux tâches ingrates et parfois solitaires. Ces missions sont essentielles à la compréhension du collectif : nul ne devrait gouverner ce qu’il n’a jamais expérimenté de ses mains. Mais le travail pénible n’est pas que souffrance. Il peut être calme, régulier, simple, méditatif. Il offre une expérience du réel, de soi, des limites du corps. Et il coexiste avec des tâches légères, agréables ou inspirantes. Chaque mission enseigne quelque chose, et les parcours sont pensés pour que chacun ait une vision complète du tissu social et matériel qu’il contribue à maintenir vivant. Pas de concurrence, pas de jaloux. Et lorsque la fatigue se fait sentir, on ne demande pas de « jours de congés ». On se retire avec l’accord du médecin ou de sa hiérarchie. On retourne dans l’autre ville — celle du repos, de la vie lente, de l’échange sans urgence. On y retrouve la terre, les enfants, les récits. C’est un va-et-vient naturel, sans contrat rigide, entre action et contemplation. Les vacances ne sont pas institutionnalisées. Elles ne répondent ni à un calendrier rigide, ni à une norme chiffrée. Elles surviennent quand le corps ou l’esprit le réclame, ou lorsque la mission le permet. Et elles se vivent dans les limites du territoire. Les voyages à l’étranger sont très restreints, car sortir du pays, c’est sortir de la sphère protégée. Pour leur propre sécurité comme pour préserver l’intégrité du territoire, les citoyens se déplacent exclusivement à l’intérieur des terres connues, riches, variées, inexplorées encore dans certaines zones, mais toutes nourries d’une même culture de respect.
Les déplacements eux-mêmes incarnent cette philosophie : pas de voiture individuelle, pas de transport énergivore. On se déplace à pied, à vélo, ou en transport collectif silencieux et léger, adapté au relief, à la saison, à la communauté. Le déplacement fait partie de la vie, pas de la fuite. Il relie, il ralentit, il engage le corps à sentir le territoire qu’il traverse. Certains ne mettent jamais les pieds dans la ville technologique, si ce n’est que pour des raisons de santé. D'autres ne quittent que rarement les laboratoires. Il n’y a pas de mépris entre les deux. Chacun sait que l’équilibre du monde dépend de cette double polarité : la force du faire et la sagesse du vivre. Les deux lieux de vie et de travail sont reliées non par une route, mais par un jardin frontière. Un grand espace circulaire où les deux mondes se rencontrent : des enfants y viennent poser des questions aux chercheurs, des ingénieurs s’y assoient pour écouter des anciens parler du passé, et des artistes viennent peindre ce lien fragile entre la puissance et la paix. Ce fonctionnement est étendu sur tout le territoire.
Les villes et villages tels qu'ils sont d'écrit ne sont que l’envers du décor. Sous la surface du sol, une vie cachée s’est organisée. Des cités souterraines se sont développées, à l’abri des aléas météorologiques, mais surtout de la chaleur. En surface, durant les mois les plus chauds, les températures avoisinent les soixante degrés, et cela peut durer plusieurs mois, la vie a l'extérieur devient difficile.. Des refuges ont été construits pour les animaux, qui n’en sortent qu’aux saisons plus clémentes. Si autrefois on pratiquait la transhumance vers les alpages, il existe désormais une transhumance pour toutes les espèces. Elle s’organise sur deux semaines, durant lesquelles la population se mobilise pour mettre la vie animale à l’abri. Pendant les mois où la vie est difficile à l’extérieur, c’est la population qui nourrit et soigne les animaux, protégés dans des abris adaptés. Avant l’extinction, cela aurait été considéré comme une charge de travail considérable, mais dans ce nouveau monde, c’est une activité partagée, vécue comme une source d’équilibre et de joie. Pour les personnes en situation de handicap, ces refuges sont devenus un véritable havre de paix. On a reconnu qu’elles faisaient preuve de plus de patience, et qu’elles étaient souvent les mieux placées pour apaiser les animaux. C' est le prix pour survivre.
L’héritage des anciens ne fait que rendre la vie plus difficile en surface, sous un soleil de plomb. Les tempêtes, ouragans ou typhons ne sont pas rares. Mais ce territoire, aussi harmonieux soit-il, ne vit pas en paix avec le reste du monde. Il a été, dans une certaine mesure, protégé par un groupe d'habitants ayant survécu à l’extinction, grâce à des lois strictes et à des actions ciblées contre le lobbying et ceux qui ne respectaient pas la terre. Des problèmes climatiques subsistent, certes, mais l’organisation du pays permet d’en atténuer les effets bien plus efficacement qu’ailleurs dans le monde. Ailleurs, les sols sont stériles, les eaux souillées, les populations maintenues sous contrôle ou sous tension. Là-bas, la technologie sert la domination, le profit ou la surveillance. Alors ce territoire, préservé et fertile tant bien que mal, attire les convoitises. Il est vu comme un miracle, une anomalie, ou un danger. Face à ces menaces, la protection n’est ni brutale ni visible. Elle est discrète, subtile, mais redoutable. Tout le territoire est enveloppé dans un voile technologique, un écran brouilleur qui empêche toute intrusion numérique, toute captation extérieure, tout repérage précis. Aucun satellite ne peut lire ce qu’il s’y passe, aucun drone ne peut y survivre plus de quelques minutes. Seuls ceux qui en sont natifs peuvent franchir les limites sans désorientation. La population elle-même, bien que pacifique, est formée. Tous sont réservistes. Dans le sens militaire traditionnel, mais également dans une vigilance partagée, une capacité à protéger sans détruire, à défendre sans haïr. La sécurité active du pays repose entre les mains des 20 à 30 ans : génération formée aux technologies les plus avancées, mais aussi à l’éthique, à la retenue, à la résilience mentale. Ils sont les veilleurs. Les sentinelles d’un monde fragile mais déterminé à ne pas redevenir une proie.
Car ici, le progrès n’est pas naïf. Il ne se contente pas de cultiver la paix : il en assure la garde. La population vit librement, mais en sécurité. Non pas derrière des murs, mais sous la veille silencieuse d’un système de défense intégrée consciente, fruit d’une technologie éthique, autonome et évolutive.
Des réseaux sensoriels bio-synthétiques parcourent le territoire comme un second système nerveux. Ils perçoivent les tensions, les anomalies, les intentions hostiles, avant même qu’elles ne prennent forme. En cas de menace, les interfaces de neutralisation douce entrent en action : elles désamorcent à distance toute tentative d’agression — qu’elle soit physique, numérique ou cognitive — sans violence, sans dommages, mais avec une efficacité absolue. Et lorsque la menace vient de l’extérieur, sous quelque forme que ce soit — infiltration clandestine, trafic souterrain, parasitage économique ou intrusion armée — l’unité de réponse automatique intervient sans sommation. Ce n’est ni une armée traditionnelle ni une police : c’est un corps défensif autonome, programmé pour neutraliser toute atteinte au territoire, avec une tolérance zéro pour les réseaux parallèles, les violations frontalières et les formes d’exploitation dissimulées. Car ici, la paix n’est pas négociable. Elle est protégée, activement, résolument — pour que la liberté intérieure ne soit jamais entamée par la permissivité extérieure.
Dans cette société réorganisée, les échanges commerciaux ne reposent plus sur la monnaie ni sur le profit, mais sur le troc de biens bruts : aliments, matériaux, ressources naturelles. Le savoir-faire, la technologie et l’armement ne sont jamais échangés, afin de préserver l'autonomie et l'identité de chaque territoire. Ces échanges sont ponctuels, équilibrés, sans spéculation ni dépendance. Ils répondent à des besoins réels et sont régis par des accords simples et respectueux. Lorsqu’un territoire cherche à dominer ou à imposer son modèle, toute forme de coopération est aussitôt interrompue. Aucun échange n’est maintenu avec ceux qui reproduisent les logiques impérialistes du passé. La souveraineté et le respect mutuel priment sur toute ambition de contrôle.
Règlement du droit civil de l'an 2295.
7)Le silence de la loi n’équivaut pas à une autorisation
a) En l’absence de texte de loi autorisant expressément un acte, celui-ci est réputé interdit ; il revient aux élus, par le biais du processus législatif ou réglementaire, de décider s’il peut être autorisé ou non en attendant un texte officiel.
b)Le non-respect de cette loi entraînera une condamnation adaptée à la gravité des faits, selon les sanctions possible allant du niveau 1 au niveau 3
Avant l’effondrement, contourner la loi était courant, surtout pour les plus riches. Grâce à des avocats puissants et bien structurés, ils savaient exploiter les moindres failles du système juridique. Les textes flous, les exceptions, les lenteurs administratives jouaient souvent en leur faveur. La justice semblait plus accessible à ceux qui pouvaient se l’offrir. Cette inégalité a durablement sapé la confiance dans les institutions.