Les bienfaits de l'accident suite et fin
Les bienfaits de l'accident suite et fin
LES CHRONIQUES D'UN CASCADEUR MALGRÉ LUI


Les bienfaits de l'accident suite et fin
Petite parenthèse…
On entend régulièrement parler d’accidents de la vie : au travail, sur la route, à la maison. Papa bricole, il tombe de l’échelle. Ou encore, un accident causé par un tiers. Mais au fond, c’est quoi, un accident ? Est-ce que la maladie en fait partie ? Beaucoup pensent que non. Se sont-ils seulement posé la question ? Pour moi, la maladie est un accident. Est-elle plus fréquente ? Plus grave ? Est-elle reconnue comme telle ? Cela devient vite compliqué. Je constate déjà qu’il existe beaucoup de prévention autour des accidents liés par une profession. Toutes les entreprises en parlent quotidiennement, et les employés aussi. En revanche, la maladie, on en parle surtout pour désigner "un tel" ou "une telle" qui est malade. Mais en matière de prévention, on fait bien peu, voire rien du tout. Pourtant, que ce soit un accident domestique ou une maladie, le coût est élevé à court terme, et vertigineux à long terme. On oublie souvent que les accidents de la vie courante représentent la quatrième cause de mortalité en France, avec plus de 24 000 décès par an. Et du côté des hospitalisations, ce sont 13 millions de patients qui ont été admis une ou plusieurs fois à l’hôpital en 2024. Ces chiffres devraient suffire à faire réfléchir sur l’urgence d’une véritable politique de prévention — pas seulement pour les risques visibles, mais aussi pour ceux qu’on néglige trop souvent. J’ai fini par me dire que le mot "accident" a été banalisé. Dans le monde du travail, il est bien défini, bien reconnu : l’entreprise continue à payer l’employé en son absence. Mais en dehors de ce cadre, il perd de son importance. Il n’est plus vraiment considéré à sa juste valeur — si je peux dire les choses ainsi.
Je ne suis pas meilleur que quiconque, mais je constate qu’en cas d’accident du travail, le suivi administratif est généralement bien pris en charge. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un problème de santé lié à la maladie, il n’est pas rare de rencontrer des difficultés pour faire valoir ses droits. Je travaille dans une grande entreprise et, sans vouloir être de mauvaise foi, j’observe que les personnes atteintes d’une affection de longue durée ont plus de mal à faire reconnaître leur situation. Comme si, hiérarchiquement, la maladie était perçue comme moins légitime. Comme s’il existait des moyens détournés pour retarder ou amoindrir leur indemnisation. Comme si ce n’était pas si grave. Je trouve cela profondément injuste. Le volet financier ne devrait pas devenir un combat supplémentaire quand il s’agit simplement de payer son loyer ou son crédit immobilier. La maladie est déjà une épreuve ; y ajouter des retards d’allocations pendant plusieurs mois, c’est imposer une double peine. Il arrive aussi que certains ne retrouvent pas entièrement leur dû. Eh oui, les petites lignes que nous ne lisons jamais dans un contrat… N’oublions pas non plus les arnaques. En 2024, l’Assurance maladie est parvenue à identifier 628 millions d’euros de fraude, un record. Ces fraudes sont majoritairement le fait de professionnels de santé, mais des fraudeurs extérieurs au système montent aussi des escroqueries de plus en plus sophistiquées. Sont 'il condamné ? peut être mais certainement pas suffisamment.
Finalement, on se retrouve à devoir mener deux combats en parallèle : celui contre la maladie, et celui pour survivre financièrement.
Fin de la parenthèse.
Après les quelques accidents physique durant ma jeunesse, je pense que je m’en suis plutôt bien sorti. Pendant les quarante années qui ont suivi, je n’ai pas vraiment eu d’accident digne de ce nom. Un poignet foulé, quelques tendinites, de petites coupures… rien qui justifiait une attention particulière.
C’est étonnant, car j’en ai fait, des choses. J’ai toujours beaucoup bricolé — à tel point qu’on ne peut plus vraiment appeler ça du bricolage — que ce soit au travail, à la maison, ou chez des particuliers. Et pourtant, je n’ai jamais eu de blessure grave. Il y a bien eu des situations dangereuses. Mais à chaque fois que je sentais le risque augmenter, je prenais les précautions nécessaires, à la hauteur du danger mais ce n'était que de mon interprétation.
La dernier situation de danger en date, c’était lors de l’isolation de ma maison. J’ai utilisé un échafaudage de bonne qualité, avec une hauteur de travail de 5,50 mètres. Le pignon de la maison montait jusqu’à 12 mètres. Il fallait donc trouver un moyen de rehausser l’échafaudage de près de 6 mètres. Je me suis débrouillé avec des palettes perdues. Résultat : un montage qui en a fait sourire plus d’un, au point que certains prenaient des photos. Certainement pour en faire un sujet du genre vidéo gag. C’est dans ce genre de situation que je me rends compte que beaucoup de personnes ne savent plus faire la différence entre travailler en sécurité et utiliser un moyen de sécurité. Mon échafaudage, lui, était stable, bien monté, avec des fixations solides qui le stabiliser contre le mur. Un voisin, deux maisons plus loin, avait entrepris de nettoyer le toit en verre de sa véranda. Du haut de mon échafaudage, je lui ai crié de faire attention : non pas à cause de la hauteur, mais de sa tenue. En baskets, un tuyau d’arrosage dans une main et un balai dans l'autre main et oui il a deux mains… il glissait plus qu’il ne nettoyait. Et bien sûr, il est tombé. Heureusement, sans trop de gravité. Ce qui est cocasse, c’est que la veille, c’était lui qui me donnait des leçons de sécurité… Bien sûr, tout peut arriver. Mais en général, ce n’est pas dans les actions les plus délicates qu’il y a le plus d’accidents, mais dans les gestes banals. Un escalier, une marche, une distraction ou même en coupant un quignon de pain.
En mai 2025, je me suis cassé une vertèbre… en chutant de la troisième marche d’une échelle environ 50 centimètres. J’ai perdu l’équilibre et suis tombé entre un mur et un gros pot de fleurs. Ce n’est pas tant la chute qui a été grave, mais la façon dont je suis tombé. Pour schématiser — et avec un brin d’humour — je me suis retrouvé plié en deux, au point que j’aurais presque pu me faire une fellation. Bon, j’ai raté mon coup, et, par réflexe, je me suis relevé aussitôt. J’avais entendu un doux crac, mais sans douleur particulière. Ce n’est que les jours suivants que la douleur s’est installée. Huit jours plus tard, une radio a révélé: vertèbre L1 cassée et écrasée. Comme quoi, l’accident n’est pas venu d’une situation risquée, mais d’un moment ordinaire, presque confortable, où l’on ne se méfie plus. Je peux pas rester sur un échec et peut être que ma force est de trouver une raison a ma chute. Rien de bien grave, une intervention chirurgicale est prévu pour consolider cette vertèbre et ce seras repartie pour un certain temps, enfin je l'espère !.
Par ailleurs, j’ai eu, à plusieurs reprises, des problèmes de santé qui ont nécessité des interventions : les sinus, un genou, un pneumothorax, et une ablation du faisceau atrial du cœur. Ces accidents-là ont pourtant été porteurs de bonnes nouvelles. Chacun d’eux m’a fait grandir. Grâce au pneumothorax, j’ai arrêté de fumer à 40 ans. Aujourd’hui, j’en ai 60. Si j’avais continué, j’aurais probablement développé des pathologies plus ou moins graves. Mon niveau de bien-être aurait il été de même qualité. Personne ne peut le dire mais si j’en crois les statiques je suis aujourd'hui en meilleur forme que si j’avais continué a fumer.
L’opération du cœur, elle, est survenue après une période de stress intense et d’épuisement professionnel. En réalité, tout avait commencé trente ans plus tôt, dans un contexte similaire. À cette époque, je travaillais encore au rayon carrelage. Le surmenage était constant, la fatigue chronique, due au manque de personnel. J’avais été arrêté trois semaines, mais à l’époque, le lien entre santé et travail n’était pas évident à établir. On n’en faisait pas tout un plat. Joëlle Richard, qui était alors ma responsable directe, pourrait sans doute en témoigner. Quand le problème est revenu, bien des années plus tard, j’ai compris qu’il fallait lever le pied. Ce fut une véritable prise de conscience. Depuis, je fais mon travail — ni plus, ni moins.
Mes sinus étaient régulièrement bouchés. Après une radiologie, on a découvert que certains traitements dentaires avaient été mal réalisés. Il a fallu tout reprendre. De la pâte dentaire s’était propagée jusque dans les sinus. Sans ce problème ORL, je ne l’aurais peut-être jamais su. Et en cas d’opération urgente, cela aurait pu poser un vrai problème : on sait que le risque infectieux lié aux dents est bien réel. Je ne vais pas accuser mon ancien dentiste, qui n’en avait probablement rien à faire… Mais au final, mon nez bouché de temps en temps m’a peut-être rendu un fier service. Bien sûr, si je n’avais pas eu besoin d’un traitement dentaire, rien de tout cela ne se serait produit. Mais voilà, c’est comme ça.
Finalement, tous ces accidents de santé ont été, pour moi, bénéfiques. Je finis par croire que oui — du moins dans mon cas. Certains n’ont pas cette chance : les conséquences peuvent être graves, voire mortelles. Mais l’accident peut aussi être bénéfique pour tous, parce que c’est à travers lui que l’on progresse, individuellement comme collectivement.
Existe-t-il un monument dédié à tous ces accidentés de la vie, à tous ces malades, à tous ces donneurs anonymes, sans qui notre société ne pourrait avancer aussi sereinement ? Non.
Y a-t-il un "malade inconnu" au Panthéon ? Non plus.
Avons-nous instauré un jour de respect, un moment de reconnaissance pour ces existences mises à l’épreuve ? Toujours pas.
Alors je finirai par dire : il vaut sans doute mieux être celui qui donne que celui qui prend. Ou, pour le dire autrement : mieux vaut être le payeur que le consommateur. Quoi que, pour le don c'est limite :)



