Le souvenir 2
Les amourettes de mon adolescence
TRENTE JOURS DE SOLITUDE


Les amourettes de mon adolescence
Vers quatorze ou quinze ans, notre bande de copains passa du vélo à la mobylette. Christophe en possédait une neuve, cadeau de son père, tandis que j’avais réussi à récupérer la vieille Honda Piaggio de mon frère aîné. Avec nos copains, nous passions notre temps à bricoler dessus ou à réparer nos pneus qui crevaient régulièrement. Nous parvenions à nous procurer sans mal des rustines, mais la colle nous manquait souvent parce que certains d’entre nous la sniffaient. Pour ma part, je n’y ai jamais touché, par manque d’envie et par peur, mais la plupart des garçons de notre âge s’y adonnaient dans le quartier. Et quand il n’y avait plus de colle, on passait à l’acétone, à la peinture : tout était bon pour planer.
Pendant ce temps, je poursuivais tant bien que mal ma scolarité. Je réussis à entrer au collège, où mes notes n’étaient guère plus reluisantes qu’à l’école primaire. Après une sixième et une cinquième peu glorieuses, on décida de m’affecter en quatrième CPPN, une classe spéciale dédiée aux élèves en très grande difficulté. Il semblait néanmoins que je n’y étais pas à ma place, puisque je maîtrisais tout de même la lecture et l’écriture, ce qui n’était pas le cas de mes camarades. J’étais donc subitement devenu le premier de ma classe !
L’entrée dans l’adolescence n’avait cependant pas arrangé les choses pour moi, puisqu’une nouvelle distraction venait s’ajouter à toutes celles qui m’empêchaient déjà de bien étudier auparavant : les filles. Même si le sujet était tabou dans la plupart des foyers, cela ne nous empêchait pas de nous y intéresser et de faire nos premières expériences. Au début des années 1980, je fus invité à ma première « boum » chez Nathalie, une fille de l’immeuble. Afin de financer sa fête, elle avait eu l’idée de récupérer des bouteilles consignées un peu partout dans le quartier, et en avait rempli un caddie entier. Nous sommes tous allés avec elle au Suma pour les rapporter contre quelques pièces, ce qui nous a permis d’acheter quelques bouteilles de soda et des chips : nous n’avions besoin de rien d’autre pour nous amuser, hormis un peu de musique. C’était la grande époque d’Eddie Mitchell et Nathalie avait réussi à se procurer le disque de son succès « Couleur menthe à l’eau ». Il s’agissait d’un slow, sur lequel tous les garçons rêvaient d’inviter une fille à danser, mais personne n’osait se jeter à l’eau, et les filles se retrouvèrent donc à danser toutes seules.
Nous avions quatorze ou quinze ans, et les garçons s’intéressaient de très près aux filles, mais sans oser faire le premier pas. Les plus hardis parvenaient tout de même à voler quelques baisers, voire plus, à travers quelques stratagèmes. Mon copain Mounir, par exemple, m’emmenait parfois sous le préau avec deux filles, et nous expliquait le « jeu de l’allumette ». Il enflammait une allumette, que nous nous passions de main en main, et le premier qui la laissait tomber par terre devait embrasser une des trois personnes restantes (une fille pour les perdants, ou un garçon pour les perdantes). Bien sûr, plus les filles étaient jolies, plus le jeu devenait intéressant !
Les « choses de l’amour » étaient très mystérieuses pour nous, mais j’entendais souvent les grands en discuter, ou les copains plus expérimentés. Mony, dont j’ai déjà parlé plus haut, était un voisin plus âgé que moi de sept ou huit ans, qui avait déjà eu l’occasion de faire plusieurs expériences avec les filles du quartier. Aux plus jeunes, dont je faisais encore partie, il lançait souvent : « Vous, les petits, allez vous masturber ! », avant d’éclater de rire devant nos visages étonnés et rougissants. A cette époque, nous pensions encore peu à la sexualité, mais la découverte de notre propre corps nous préoccupait déjà et nous étonnait beaucoup. Comme nous n’avions jamais eu l’habitude de prendre soin de nous-mêmes, même pour les actes d’hygiène élémentaires, nos premiers « émois solitaires » nous laissèrent perplexes