La mort et les regrets
La mort et les regrets
TRENTE JOURS DE SOLITUDE


La mort et les regrets
La mort et les regrets
Certains souvenirs me mènent à réfléchir à un autre sujet, la survie d’une génération à une autre. Je pense qu’au moment de la mort, notre âme quitte son corps meurtri par les remous d’une vie. A chacun sa croyance, et la mienne me porte au frontière de l’imaginaire : je veux croire à une séparation entre l’enveloppe charnelle et l’âme. Peu d’entre nous survivent au temps (à travers leurs descendances, j’entends) mais il m’arrive d’apprécier l’idée que vous mes enfants, avez décidé de donner suite à mon histoire avec la vôtre. Cela me permettrait de « survivre » une ou deux générations supplémentaires, du moins le temps qu’on me gardera en mémoire. Je n’ai pas la prétention de me comparer à de grands personnages, mais le fonctionnement est le même que pour les « petites gens » : qui aurait pensé que Jésus de Nazareth, ou encore Napoléon, survivraient au temps grâce à une réglementation de vie (le nouveau testament pour l’un ou le Code civil pour l’autre) ?
Pendant longtemps, j’ai cru que la mort me séparerait de mes enfants. Mais petit à petit, je me suis fait une toute autre idée : en vous je suis, au travers de vous je survivrai ! Une vie n’est accomplie que par une suite logique, qui est à mon sens la continuité de soi par la chair. Mais que cela ne nous empêche pas de faire votre possible pour vivre votre vie « à fond » !
Il n’y a aucun moyen de « refaire » une vie arrivée à échéance, et c’est pour cette raison que je vous conseille de vivre la vôtre autant que possible. En fin de vie, il est important de ne pas voir le poids du regret peser sur notre dernier souffle. Etant non croyant, je pense que le Paradis, c’est maintenant et avec les vivants. Je vous l’accorde, c’est facile à dire mais moins à mettre en œuvre ! Moi-même, j’ai 59 ans et déjà le sentiment d’une vie non accomplie. Je juge mon existence tantôt passionnante, tantôt « chiante », le tout parfois agrémenté d’un sentiment d’injustice. Mais qu’aurais-je pu vouloir de plus ? Peut-être la clef du bonheur se situe-t-elle dans le fait d’assumer notre liberté d’être ? Il faut dire que le regard de l’autre reste bien souvent plus important que notre propre bien-être. On dit parfois que le ridicule ne tue pas, et je suis bien d’accord. On devrait tous avoir cette phrase en tête. Au final, si je devais refaire ma vie je n’y changerais rien, car malgré mes regrets, j’y ai trouvé un équilibre satisfaisant.
Ecrire m’a permis de me questionner, sur différents sujets, et aussi à propos de ma propre existence. Je ne sais pas ce que je veux faire du reste de ma vie, qui est peut-être encore longue. Si on m’apprenait demain que j’ai une maladie grave et incurable, que ferais-je ? Est-ce que je profiterais de mes enfants ? De « l’instant présent », comme on dit ? Ou bien oserais-je commettre un acte violent pour faire passer un message ? Je ne sais pas si j’en aurais le courage. Et puis, a-t-on le droit de se sacrifier ? Personnellement, je pense que oui, si cela peut aider. Je suis persuadé qu’il faudrait éliminer certains individus pour l’avenir de la planète, mais la loi ne le fait pas (les gens qui magouillent, les tueurs, les violeurs…). Je me verrais bien supprimer un politique véreux, pour lui montrer que « eux » non plus ne sont pas à l’abri. Et ça montrerait à la population qu’il faut bouger. Evidemment, c’est difficile de se sacrifier pour une cause, mais je me dis que si notre vie est de toute façon foutue (pour cause de maladie), autant se sacrifier. Au moins, cela permet d’avoir une « mort utile ». Mais il faut sans aucun doute une très grande dose de courage pour en arriver là.
Je ne sais pas si ce que je fais est juste ou mal. Je constate que je ne regrette rien de mon vécu. J’ai des regrets sur ce que je n’ai pas fait par manque de courage. J’ai certainement fait du mal à certaines et certains de mon entourage. Rien ne pourra effacer les maladresses du quotidien, mais j’ai toujours réparé après coup. Je précise « réparé » en plus des excuses. Il y a eu 3 périodes compliquées dans ma vie : mon divorce, mes soucis d’arythmie cardiaque pour le troisième je ne suis encore prêt pour en parler. Je suis tenté de penser que dans chaque famille il y a un secret. Pour ma part, je ne pense plus en avoir. Il n’y a pas de père ou de mère idéal, on improvise tout le temps. Les plus belles histoires sont malheureusement les histoires dramatiques.
Aujourd’hui, je suis dans un état d’esprit où je me pose beaucoup de questions. Je ne me vois plus évoluer, je me sens frustré. Parfois, je me demande si je dois quitter mon emploi, vendre ma maison et quitter la région. J’aimerais profiter du système comme tant d’autres le font. Ou bien vaut-il mieux rester dans mes habitudes et continuer à vivre comme ça ? Je pense que je vais très certainement rester à ma place, mais cela ne m’empêche pas de m’interroger. Et pourquoi ne pas construire un endroit loin des grandes villes, pour moi et peut être, mes enfants ? Je suis sûr que vous mes enfants aimeriez avoir un endroit où vous mettre au vert. A Saint-Cassien ? Le lieu s’y prête, surtout vu les souvenirs que j’y ai, mais avec notre situation familiale compliquée et la distance par rapport à l’Alsace, je doute un peu. En tous les cas, l’idée d’un pied-à-terre loin de toute civilisation est bien ancrée.
Voilà peut-être encore une autre raison à mon désir d’écrire : ne pas quitter cette sphère bleue sans la remercier de son hospitalité. Elle est un refuge pour notre famille et une sépulture pour nous-même. Alors cela me permettra de faire quelque chose pour l’humanité avant de rejoindre les aurores boréales. En vocabulaire plus clair, gagner mon ticket pour le repos éternel.
A bientôt