Biscotte
TRENTE JOURS DE SOLITUDE


Je ne vous ai pas encore parlé de Biscotte.
Eh bien, maintenant que j’ai un peu de temps, je vais en profiter.
Biscotte est une petite épagneule bretonne de 7 ans, que je suis allé chercher du côté de Bordeaux. En Alsace, on ne trouve pas beaucoup d’épagneuls bretons, et encore moins de femelles. Pas pour la reproduction, non, mais simplement parce qu’une femelle, ça ne lève pas la patte contre les murs ou les jantes des voitures. J’ai toujours eu cette race de chien : c’est une race facile, rustique et gentille.
J’ai quitté Strasbourg un vendredi à 13 h pour aller la récupérer chez un paysan bordelais le samedi matin à 7 h. Il ne fallait surtout pas arriver en retard : pour eux, le jour de chasse, c’est sacré. Vers minuit ou une heure du matin, je me suis arrêté devant la ferme pour finir ma nuit. À 7 h pile, la voilà. Autour d’un café, j’ai fait sa connaissance. Elle n’avait pas l’air farouche. À ce moment-là, elle s’appelait Misette... Vaindiou, quel prénom ! Peu de temps après, nous étions sur le chemin du retour.
Il fallait la rebaptiser. J’aurais voulu l’appeler Élodie, en souvenir d’un passé insouciant. Mais mes enfants – et d’autres – se sont bien moqués de moi. Alors elle est devenue Biscotte. Et avec le temps, nous nous sommes bien entendus. La vie a suivi son cours.
Deux ans plus tard, lors d’une promenade, elle s’est fait attaquer par un dogue argentin. Je dois reconnaître ma part de responsabilité : je ne la tenais jamais en laisse. Je n’en voyais pas l’utilité, je la promenais toujours dans les champs. Le dogue s’était échappé d’un garage entre Lingolsheim et Holtzheim. Tout est allé très vite, je n’ai rien vu venir. Et voilà, ma Biscotte blessée. Je l’ai retrouvée peu après, cachée sous ma voiture, devant la maison. Je l’appelais, et l’horreur : elle rampait vers moi, les deux pattes arrière en lambeaux.
Nous étions à la veille de Pâques, et aucun vétérinaire ne voulait me recevoir. J’ai dû insister pour que le vétérinaire de garde de Lingolsheim accepte de la soigner. Je pèse mes mots : ce sont bel et bien une bande de salopards hypocrites. Pour vous vendre un vaccin à 100 euros et gonfler la facture, ils sont forts. Mais bon…
Quant au propriétaire du dogue argentin, il refusait de payer les soins. J’ai porté plainte. Dix-huit mois plus tard, nous nous retrouvions devant le juge. Ce type avait déjà sept condamnations à son actif, et une interdiction de séjour en Allemagne. Violence, alcoolisme, vol… la liste est longue.
Pensez-vous que cette personne pourrait devenir un bon citoyen en cas de crise majeure dans notre pays, ou resterait-il un danger ? »
Pour moi, c’est clair : c’est un voyou, un prédateur qui profite des plus faibles. Sept condamnations, pour moi, c’est la guillotine. Fin du débat.
De toute manière, il a été condamné et n'a jamais payé!
Depuis cet accident, Biscotte garde des séquelles. Lors d’efforts trop importants, sa patte – celle qui a été la plus abîmée – la fait souffrir.
À l’instant où j’écris ces lignes, j’attends Stéphanie, qui vient la récupérer. Biscotte boîte et ne peut plus avancer.
Je pensais qu’en la gardant attachée à moi, ça irait. Je me suis trompé. Voilà une journée qui commence mal, et j’en ai les larmes aux yeux.
Un chien n’est pas « juste » un chien pour moi. Biscotte fait partie de ma famille, autant que n’importe qui. Toujours fidèle, toujours joyeuse, elle m’accueille avec bonheur, m’écoute, m’apaise. Elle m’offre du réconfort, et beaucoup d’amour. Parfois elle me met en colère, mais cinq minutes après, j’ai déjà oublié.
Biscotte rentre à la maison…

